L'élection du doge
Le doge était
théoriquement élu à vie par le Maggior Consiglio, mais son autorité était
fortement restreinte. Afin de pallier les rivalités familiales et la
corruption, les Vénitiens avaient instauré un étonnant système de suffrage indirect.
Le
peuple ne votait pas, mais l'Assemblea Generale, ou Arengo, devait approuver le
choix du Maggior Consiglio. Cet organe désignait une commission qui élisait à
son tour un candidat au poste de doge. Les membres de la commission étaient en
partie choisis parti rage au sort. Des minutes des élections de 1268 (date à
laquelle les règles furent encore renforcées) montrent comment se déroulait le
scrutin.
Le
Maggior Consiglio désignait 30 membres par tirage au sort, puis 9 parmi ces
derniers, lesquels élisaient à leur tour 40 personnes réduites à 12 par tirage
au sort. Ces 12 en retenaient 25, puis 9. Les 9 choisissaient 45 membres, puis
11. Les 11 votaient pour 41 membres qui élisaient enfin un candidat au poste de
doge.
Les
41 accomplissaient ce processus électoral complexe à huis clos. Ils
griffonnaient chacun le nom de leur choix et tous les bulletins étaient placés
dans une urne. À chaque nom tiré, les qualités du candidat faisaient l'objet de
discussions (si lui-même ou une personne de sa famille comptait parmi les 41,
il devait quitter la pièce pour ia poursuite des délibérations). Le candidat se
soumettait alors à un entretien préalable au vote. Il lui fallait réunir 25
voix pour devenir doge. Dans le cas contraire, les électeurs passaient au candidat
suivant. L'élection de Lorenzo Tiepolo en 1268 dura 16 jours. Antérieurement,
le choix du Maggior Consiglio était soumis à l'Arengo, le peuple assemblé sur
la place Saint-Marc, mais il s'agissait le plus souvent d'une simple formalité.
Le doge élu signait
la promissione, sorte de contrat définissant les limites de son pouvoir. Peu
contraignant à l'origine, ce document posa vers le milieu du XIII' siècle des
bornes strictes à sa liberté d'action.